
Photo : François Goudier
Laurent Nicolaï est né en 1975 à Nice.
Ses aptitudes particulières au dessin sont remarquées très jeune, il passera une adolescence assez solitaire, crayons et pinceaux en main, étudiant à la fois les dessins des grands maîtres et les auteurs de Bandes-Dessinées en noir et blanc dont la librairie familiale est emplie. Dès cette période il se confronte au dessin de modèle vivant de manière régulière.
C’est à l’école des Beaux-arts de Marseille qu’il découvre l’impression d’estampe, la gravure auprès de Sonja Hopff dont l’enseignement est dans le sillon de l’atelier Lacourière-Frélaut, la lithographie avec Peter Grosfeld, troisième génération d’imprimeurs lithographes. L’estampe devient alors son médium exclusif. Il bascule complètement dans le noir et blanc avec un œil aiguisé pour la belle impression. Cela lui permet de soutenir son diplôme avec une suite gravée de grande ampleur. Il expose régulièrement son travail d’estampe depuis cette date.
Accident de la vie
Il doit arrêter ses études pour soutenir sa famille lors de la mort brutale de son père et devient libraire spécialisé en Bandes-dessinées pendant quelques années. Puis il quitte tout, Marseille, sa librairie, sa vie sociale pour installer son atelier autour d’une petite presse taille douce loin dans les Cévennes. Parallèlement il se découvre une âme de bâtisseur en restaurant des maisons anciennes, cette qualité sera alors un moteur pour ses multiples projets à venir. Il reprend son travail d’artiste et revient à l’étude de modèle vivant. Il ouvre rapidement un atelier de lithographie et complète son équipement pour la gravure, l’ADN (Atelier D’estampe Nicolaï) est né. Il commence l’accompagnement d’artistes par goût du partage.
Un peu à l’étroit, il part s’installer dans le Massif central où il construit des ses mains une maison et une imprimerie/bergerie. Il devient Imprimeur/éleveur. Pendant dix ans, il développe en parallèle d’une activité d’éleveur de chèvres au près de sa femme son imprimerie et son art. En gravure essentiellement, puis il décide de se consacrer à la lithographie, technique où le dessin est le plus directement imprimable et la couleur joue un rôle majeur. Il sauve de la casse deux imposantes presses plates lithographiques centenaires Marinoni, de 7 tonnes chacune. Il se rapproche de grands imprimeurs lithographes avec qui il tisse des liens d’amitié durables comme Christain Bramsen, Michael Woolworth et Etienne de Champfleury avec qui il noue une relation particulièrement solide. Travaille, entre autre, pour le Musée Soulages de Rodez dès son inauguration lors de l’exposition « De Picasso à Jasper Johns, l’atelier d’Aldo Crommelynck », mais aussi des Lycées et des écoles de sa région toujours avec ce goût du partage qui le caractérise. Il accompagne chez lui à l’ADN des artistes avec des projets de plus en plus ambitieux.
Changement de cap
En 2021, il déménage à Cognac pour se consacrer entièrement à sa production artistique et à son imprimerie ADN qu’il veut encore plus ouverte aux échanges. L’ADN restructuré ne garde que l’essentiel car l’imprimerie doit se glisser dans un espace plus petit, son parc de machines est réduit de moitié avec six presses pour le travail du cuivre, de la pierre et de la typographie. Il développe et commercialise de nouvelles encres pour la lithographie, sous le nom « AUBÉPINE », ne trouvant pas dans le commerce la qualité de lumière qui correspond à ses exigences d’artiste imprimeur.
En septembre de la même année, Mes OGM, une suite de 43 lithographies en 7 couleurs sort des presses de l’atelier. A cours de l’automne, l’artiste Edmond Baudoin commence sa collaboration avec l’ADN. L’atelier accueille dans le cadre de son programme de « Pédagogie de l’estampe », un jeune artiste en DNMADE pendant quatre mois. En février 2022, la première résidence d’artistes est organisée lors du projet inKimiKa, un échange Franco-Maltais autour de la lithographie. Au mois de mars ce sont les premières « Rencontres de la lithographies » lors desquelles la presse plate Muro redémarre et imprime une première lithographie.
Depuis de nombreux artistes viennent régulièrement réaliser des gravures et des lithographies à l’atelier, des étudiants en quête de perfectionnement technique se succèdent et Laurent Nicolaï peut, maître en son imprimerie continuer son travail d’artiste dans la plus grande liberté. Il participe à des expositions tel que les « Journées de l’estampe contemporaine » à Paris et se déplace à l’étranger régulièrement pour partager ses connaissances techniques.
Le parcours d’un artiste est sinueux, fait de rencontres et d’accidents, Laurent Nicolaï n’échappe pas à cette réalité. Cependant depuis sa découverte de l’art de l’estampe, il a eu comme fil conducteur la beauté de l’impression. Autodidacte, en grande partie, il a développé ses connaissances techniques par une pratique constante et rigoureuse dans son art. Il n’expose que très peu mais la reconnaissance lui vient de ses pairs, artistes, imprimeurs et musées.
Son sens du partage et son statut d’artiste-imprimeur, font de lui un imprimeur avec une écoute particulièrement subtile pour les artistes. Puisqu’il maitrise le processus de création aussi bien que celui de la réalisation, il est capable d’apporter une compréhension et un soutien précieux aux créateurs qu’il accompagne.
Au-delà de son art, pour Laurent Nicolaï se profile une vision originale du monde : « Avec l’estampe j’ai éprouvé une passion qui au fil du temps est devenue ma forme de pensée, une certaine perception des choses. Depuis, je ne me suis pas séparé de cette manière de voir le monde, inversé et à rebours, inscrit dans un temps si différent de celui que nous affirme le quotidien. »
